Les chrétiens sont des hommes et des femmes qui vivent leur existence sous le mode du départ…
.. sous le mode du départ, ils sont sans cesse en partance…
.. ils ne s'installent pas..
.. ils savent plus ou moins vers où ils vont… mais ils y vont…
.. ils sont d'éternels marcheurs…
Notre Père Abraham nous a apprit cela… et nous a donné une âme de pèlerins, de marcheurs qui vont de campement en campement..
Et du coup les changements de lieux, de conditions d'existence, de profession, de situation familiale, de finances, de diminution ou d'augmentation de salaire..
.. tous ces changements ne sont pas déterminants…
Car notre patrie ne consiste pas en ces réalités changeantes que nous vivons…
notre patrie est au ciel… c'est là notre pays… notre demeure…
notre patrie, c'est la vie de Dieu, la circulation d'amour entre le Père, le Fils et l'Esprit Saint, et qui circule tellement qu'il y en a pour tous les habitants de tous les lieux et de tous les temps de notre terre… et donc aussi forcément pour chacun de nous…
notre patrie, c'est l'élargissement de la Trinité…
Et sans cesse nous sommes en départ vers cette patrie-là…
… nous l'espérons… nous sommes fascinés par ce pays où l'on vit exactement comme le Christ… nous l'espérons de toutes nos forces…
… nous l'espérons, et en même temps, par la foi, nous possédons déjà ce que nous espérons…
"La foi est le moyen de posséder déjà ce qu'on espère"…
Ca veut dire quoi ?
Ca veut dire que cette patrie divine vers laquelle nous marchons, ce n'est pas seulement pour demain…
Nous la possédons aujourd'hui… nous l'anticipons…
Nous vivons maintenant dans cette patrie divine.. où l'amour circule… où nous sommes vraiment fils en Dieu à l'image de Jésus le Fils,… aimés inconditionnellement par le Père, et remplis de l'Esprit..
Nous tenons bien cette existence divine…
Et il nous est donné de vivre le quotidien de notre pays terrestre, de notre vie à Hénin, à partir de notre appartenance à la patrie divine…
et vivre le quotidien à partir de notre foi, de notre possession de la patrie divine, cela signifie que tous nos actes se trouvent contenus à l'intérieur de notre foi.. et ne sont finalement rien d'autre que l'effectuation ici et maintenant de notre espérance pour demain…
Autrement dit, nous vivons la tête dans le ciel, et les pieds sur la terre…
Nous effectuons dans notre histoire notre appartenance à la patrie divine… et c'est ainsi que nous nous rapprochons d'elle.
Et cela, peut-être contrairement aux apparences donne une profonde unité à notre vie…
Car de fait, nous sommes de plus en plus mobiles… un certain nombre parmi nous
change de lieu d'habitation tous les 3-4 ans,
changent de profession,
passent d'un travail au chômage et vice-versa…
vivent des relations amoureuses qui peuvent être
changeantes
appartiennent à des familles qui de plus en plus se
recomposent comme on dit…
Bref, nous campons de plus en plus…
… essayant de ci de là, de planter quelques points d'ancrage…
..mais notre vrai point d'ancrage est là-haut…
Et c'est parce que nous vivons notre existence à ce niveau-là, dans la famille divine –comme fils- qu'il nous est donné de pouvoir camper sur la terre… en ne cessant pas d'être ici des fils de là-haut… de telle sorte que les chrétiens sont des hommes et des femmes capables de vivre toute situation, autrement dit de camper n'importe où ! Parce qu'ils sont de quelque part, de là-haut !
Et c'est cet ancrage dans le ciel qui nous permet de traverser toute épreuve sur la terre.
Le cardinal Lustiger avait l'habitude de parler du tragique de l'existence terrestre. Mais il le faisait avec ce recul, et cette domination de l'histoire à partir de cet ancrage divin.
Il n'avait finalement rien d'autre à à prêcher que Jésus-Christ, qui partant du ciel, de sa demeure éternelle, a planté sa tente au milieu de nous, et n'a cessé de vivre sur terre à la façon du ciel… et d'investir l'histoire, de féconder la terre humaine, à partir de son existence dans la Trinité.
C'est la référence, l'appartenance première qui compte…
Sommes-nous oui et non des citoyens du ciel ?
Est-ce là notre première demeure ?
Est-ce là vraiment le trésor de notre existence ?
Est-ce là que notre cœur est accroché en vérité ?
Oui bien sommes-nous rivés à des bagatelles de la terre…
Sommes-nous réellement des hommes et des femmes qui attendent leur maître, Jésus-Christ à son retour des noces…
Qui sont suspendus à la venue du jour…
Et qui le pressent de venir un peu plus enfin…
Heureux sommes-nous si nous sommes de ceux-là…
Le maître lui-même à son arrivée prendra la tenue de service…
Il mettra son tablier…
… et il nous fera passer à table… et il nous servira chacun…
Frères et sœurs, tenons-nous prêts !
Et comment nous
tenir prêts ?
.. pas autrement qu'en étant sans cesse en partance…
.. en étant des mobiles…
.. en n'ayant pas peur d'affronter les réalités nouvelles…
C'est à la mesure où nous vivons toute notre vie dans cette dynamique-là, de la veille, du départ, de l'affrontement aux réalités nouvelles, de la traversée des épreuves..
C'est à la mesure où nous vivons toute notre vie dans la dynamique d'Abraham, à partir de là-haut, que le campement, à Hénin ou ailleurs, sera chaque jour de plus en plus joyeux…
Amen.