Dans l’Evangile d’avant-hier, au jour de l’Assomption, deux femmes ! Deux femmes qui prient… Au cœur du pays de Jésus ! L’une et l’autre chantent Dieu qui les a comblées de ses bienfaits : « Tu es bénie entre toutes les femmes ! » « Oui, le Seigneur fit pour moi des merveilles ! »… Prière d’action de grâces ! Aujourd’hui, sans transition, une troisième femme, combien différente… Elle aussi prie, en dehors des frontières du pays de Jésus : une prière de demande, insistante, suppliante ! Marie et Elisabeth sont comblées de joie ! Toutes deux ont compris qu’elles étaient aimés de Dieu, choisies par Lui pour une mission exceptionnelle… Aussi portent-elles l’une sur l’autre un regard d’admiration ; et l’élan de reconnaissance qui les habite les oriente vers Dieu qui est à la source de leur bonheur : « Son amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent ! » La cananéenne souffre ; elle est plongée dans la détresse à cause de sa fille malade d’un fléau mystérieux ; et sa souffrance devient un cri lancé à Jésus, un vibrant appel au secours : « Aie pitié de moi, Seigneur ! »
Ces trois femmes sont pour nous un exemple. Elles nous invitent à vivre comme elles, dans l’ordinaire de nos vies, ce qu’elles ont vécu spontanément dans l’exceptionnel qui leur était offert ! Transformer nos joies, nos réussites, nos chances en prière de reconnaissance et de louange : « Dieu soit béni pour tout ce qui est beau dans ma vie et chez ceux qui m’entourent ! »… Transformer nos souffrances, nos limites, nos besoins en demande, en supplication, quelquefois en cri.
Mais, pour désirer les imiter ainsi dans leur prière spontanée, il est nécessaire de leur ressembler d’abord dans la foi dont elles témoignent. Car si toutes les trois sont différentes, elles ont en commun une foi forte qui oriente leur cœur : Elisabeth reconnaît la force de cette foi dans le cœur de Marie : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ! ». Et c’est Jésus lui-même, après l’avoir fait languir tout un temps, comme pour l’obliger à aller jusqu’au bout de sa confiance, qui exprime son admiration devant cette pauvre étrangère : « Femme, ta foi est grande ! ».
La prière ne peut jaillir spontanément que d’un cœur habité par la foi ! Marie a toujours vécu en présence de Dieu, sous l’influence de l’Esprit-Saint ; elle sait que toutes les richesses de son cœur sont un cadeau de Dieu : « Il a jeté les yeux sur sa petite servante ! » Aucune trace d’amour propre en elle. Elle rend donc à Dieu tout ce qu’elle a reçu de lui. La confiance qui l’habite est à la source de sa prière de reconnaissance : « Dieu soit béni ! » Nous ne savons rien de la cananéenne… Ce doit être une petite femme simple, pauvre sans doute, anonyme au milieu des foules de son temps. Elle ressemble certainement à tant de femmes au cœur droit et généreux que nous connaissons dans nos familles et nos quartiers : celles qui vont en secret à Vandeville, ou à Lourdes, ou devant les statues de nos églises. Elle se heurte aux épreuves de la vie qui révèlent sa faiblesse et la profondeur de sa détresse. Mais elle sait que Dieu est avec elle et qu’il veille sur elle… Elle pressent que ce Jésus dont elle a entendu parler est habité par la puissance de Dieu. C’est donc vers lui qu’elle lance son appel avec la certitude d’être entendue ! Ce matin, les deux filles d’Israël, comme l’étrangère du pays de Tyr et Sidon, nous posent donc une question : sommes-nous vraiment habités par la foi ? Notre foi nous pousse-t-elle à transformer spontanément nos joies en chant de louange ? Nos épreuves en appel de confiance ? Savons-nous profiter du calme de ce temps d’été pour mieux prendre conscience de la présence de Dieu à nos côtés ? Lui qui nous connaît mieux que nous et s’intéresse à tout ce qui nous intéresse ?
Etre croyant, en effet, c’est être sûr que Dieu fait toujours lui-même les premiers pas vers nous… A travers tout ce qui nous arrive ! Notre prière peut ainsi devenir réponse à la prière de Dieu qui nous prie le premier. N’est-ce pas Dieu qui a fait les premiers pas vers Marie pour lui dire qu’il avait besoin d’elle ? « Je te prie d’être Mère du Sauveur des hommes… » Et le « Oui » de Marie fut réponse à la prière de Dieu. Et ne pensez-vous pas que l’apparente indifférence de Jésus qui tarde à exaucer la demande de la cananéenne peut ressembler à une prière de Jésus. Jésus, devinant la richesse de son cœur, l’invite à aller jusqu’au bout de l’audace de sa foi ! En même temps que cette femme mendie les miettes de la table du maître, Jésus mendie sa confiance ! Sachons, osons croire – puisque l’important, c’est la foi ! – N’ayons pas peur de croire que Dieu prie notre prière avant même que nous commencions à nous tourner vers lui. Notre prière est réponse à sa prière ! Et notre prière est le moyen qui nous est donné de le prendre au sérieux comme il nous prend au sérieux !
« Je crois, Seigneur ; mais viens au secours de mon peu de foi ! »
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